Par Peter Slansky et Bernd Gährken, astronomes amateurs actifs de la VdS, membre de la Commission des occultations.

NDLR : cet article paraîtra en octobre 2023 dans la revue « Journal für Astronomie », la revue de l’association VdS, et l’association allemande des amis des étoiles. Il est déjà aimablement mis à disposition de la communauté des astronomes amateurs par leurs auteurs et Sven Melchert, président de la VdS.

Traduction : Roger Hellot.

Préface

Par Eberhard Bredner, rédacteur de la Commission des occultations, de la VdS et Konrad Guhl, Président de l’IOTA-Europe.

Consulter : https://sternfreunde.de/2023/07/20/einmal-im-leben-beteigeuze-wird-bedeckt/

L’occultation de cette étoile est probablement plus rare qu’une éclipse solaire. Les astronomes du monde entier se préparent à cette observation. Nous avons déjà reçu des demandes de soutien logistique d’astronomes au Japon. Le VdS Star Occultation Group et l’IOTA/ES (International Occultation Timing Association/European Section) réfléchit depuis un certain temps à la manière dont cet événement pourra être suivi par des amateurs. Peter Slansky et Bernd Gährken décrivent de manière très informative certaines possibilités dans l’article qui suit.

Dans le sud de l’Italie, le groupe « Astrocampania se prépare à apporter un soutien local et à organiser une première réunion d’évaluation immédiatement après l’évènement. Bételgeuse étant facile à trouver à l’œil nu, un appel vise également à encourager toute la population à observer.

IOTA/ES fera de cet événement un point central dans sa conférence annuelle à Armagh / Irlande du Nord en septembre et mettra à niveau son télescope d’expédition de 50 cm pour deux gammes de couleurs. Le séparateur de faisceau agira sur deux caméras vidéo indépendantes.

Bien sûr, nous dépendons du « travail préparatoire » des astronomes amateurs et aussi des astronomes professionnels. Les prévisions partiellement insatisfaisantes – telles qu’elles sont également décrites dans l’article suivant – peuvent peut-être être précisées jusqu’à l’événement. En outre, nous insistons sur notre recommandation de consulter et de récupérer les données de nos « prédictions de dernière minute » via la page d’accueil (www.iota-es.de).

… et puis, nous nous souhaitons une nuit sans nuages avec un magnifique ciel étoilé avec sans Bételgeuse pour une courte période.

Le petit corps 319 Leona occulte Bételgeuse !

Par Peter Slansky et Bernd Gährken, astronomes amateurs actifs de la VdS, membres de la commission des occultations.

Depuis la publication du catalogue Hipparcos au tournant du millénaire, les positions des étoiles sont connues avec suffisamment de précision pour qu’il soit possible d’observer des occultations stellaires par des astéroïdes avec de réelles chances de succès. Avec le catalogue Gaia, les orbites des astéroïdes sont maintenant encore mieux identifiées et les observations deviennent quasiment routinières. Mais l’occultation d’étoiles brillantes reste exceptionnelle. Une occultation d’étoile de 6éme  magnitude se produit toutes les quelques années, mais une étoile de première grandeur est 100 fois plus rare.

Tracé du trajet de visibilité de l’occultation de Bételgeuse par 319-Leona le 12.12.2023 [7]. Kartendaten: © 2023 GeoBasis-DE/BKG (© 2009) Google, Inst. Geogr. Nacional, Mapa GISrael.

La plupart des astéroïdes de la ceinture principale ont des orbites près de l’écliptique. L’une des rares étoiles brillantes dans cette région est Régulus. Pendant sa recherche d’occultations exceptionnelles, Denis Denisenko a trouvé deux opportunités pour cette étoile mais elles appartiennent déjà au passé. Il a trouvé une troisième occultation exceptionnelle, en l’occurrence pour Bételgeuse. Cet événement rare aura lieu dans la nuit du 11 au 12 décembre 2023 dans le sud de l’Europe (Fig. 1). Bien que l’occultation ne dure que quelques secondes, elle peut toujours valoir le détour, car c’est un événement qui ne sera probablement visible qu’une seule fois dans une vie humaine.

La courbe de lumière de 319-Leona (VdS-Grafik nach [2]).

À quoi faut-il s’attendre ?

Ce que l’on peut attendre de l’occultation est encore quelque peu flou. Cela est dû au fait que l’astéroïde 319-Leona a jusqu’à présent été très peu étudiée. Les données sur le diamètre moyen varient entre 50 et 85 km [1]. Cela correspond à un diamètre dans le ciel de 38 à 65 milli-arcsec. Bételgeuse est donnée dans la littérature avec un diamètre de 42 à 55 milli-arcsec. Le diamètre de l’étoile fluctue irrégulièrement avec sa luminosité. Un autre facteur est le changement de diamètre en fonction de la fréquence spectrale. Dans le bleu, l’étoile est nettement plus petite que dans le rouge ou même dans l’infrarouge. L’occultation la plus importante est probablement observable dans l’ultraviolet. Cependant, il faut préciser que l’étoile en tant que géante rouge y rayonne le moins.

La durée de l’éclipse dépend non seulement de l’étoile, mais aussi de l’astéroïde. À en juger par son faible numéro atomique 319-Leona est exceptionnellement mal étudiée. Il n’y a que trois occultations dans les données Euraster, mais à chaque fois les observateurs se trouvaient en dehors de la trajectoire. Il y a eu plus de succès avec deux occultations au Japon et en Australie en 2010. Mais là il n’y avait eu qu’un seul observateur chanceux à chaque occultation. Avec un seul cheveu, il est difficile de faire une mèche. Ainsi, seul un diamètre minimum d’environ 50 km a pu être estimé par les deux occultations [2].

La page Wikipédia en anglais recense plusieurs articles sur la détermination du diamètre qui semblent se contredire. Les cinq articles cités donnent des valeurs comprises entre 50 et 85 km. En fait, toutes ces valeurs pourraient être exactes. Alors que les mesures initiales de la courbe de lumière donnaient encore une forme sphérique régulière [3], des analyses ultérieures plus détaillées ont montré un comportement très inhabituel [4]. Leona serait parmi les 100 astéroïdes en rotation les plus lents connus à ce jour. Il faut 430 heures à Leona pour tourner autour de son axe. L’amplitude est d’environ 0,5 magnitude, ce qui peut être interprété très grossièrement comme un rapport axial de 2:2:3. L’amplitude n’est pas constante, mais montre des fluctuations visibles qui indiquent une position axiale instable (Fig. 2). De tels « gobelets » sont dans le viseur de la recherche actuelle [5]. (319) Il est donc intéressant d’examiner Leona de plus près, même sans la couverture de Bételgeuse.

Une occultation préalable passionnante

Une autre occultation de l’étoile par Leona aura lieu quelques jours avant l’occultation de Bételgeuse dans la nuit du 5 au 6 décembre 2023, Leona occultera l’étoile brillante de magnitude 12, TYC 0716-01756-1 [7, 8]. Le parcours traversera la Tunisie, Malte, le Péloponnèse et le sud de la Turquie. Il faut espérer que cette occultation sera également observée avec assiduité. Le parcours servira à déterminer très précisément les positions de l’occultation de Bételgeuse, six jours plus tard. Selon les prévisions actuelles, le parcours devrait traverser les régions touristiques les plus attrayantes du sud de l’Europe. De l’Algarve via l’Andalousie et la Sardaigne, le chemin s’étend à travers le sud de l’Italie jusqu’au nord de la Grèce et de la Turquie.

Le prisme RGB se compose d’un filtre à effet de prisme à 3 facettes et d’un panneau en carton avec des feuilles colorées en rouge, vert et bleu, collées derrière lui.

Technique observationnelle

Bételgeuse sera à plus de 40 degrés de haut dans le ciel nocturne sans lune aux endroits non loin du méridien. Si le temps le permet, ce sera une simple observation à l’œil nu. Les courbes de lumière photométriques pourront déjà être obtenues avec la fonction vidéo de la plupart des reflex numériques et des appareils photo bridge – sans télescope, avec un objectif photo classique.

Si vous ne souhaitez déterminer qu’une seule courbe de luminosité, il serait logique de régler la balance des blancs de l’appareil photo sur 3 600 K, car Bételgeuse a une température de couleur aussi basse. Puisque Bételgeuse est lumineuse, un objectif photo suffira. Bien sûr, un réglage adapté de la luminosité est nécessaire. Dans le cas d’un objet ponctuel, cependant, ce n’est pas tant le rapport d’ouverture qui compte mais le diamètre absolu de la pupille d’entrée. Par exemple, un objectif avec une distance focale de 50 mm et une vitesse de f/1.8 ou plus pourrait convenir. Un simple pied photo peut également convenir car l’occultation est prévue pour durer jusqu’à 14 secondes.

Lors de l’enregistrement, il peut être nécessaire de défocaliser un peu l’étoile. En conséquence, la lumière est répartie sur une plus grande surface, c’est-à-dire plus de pixels de la caméra. Ceci est utile car la turbulence et le bruit d’image de la caméra sont alors moyennés dans une certaine mesure. De plus, cela peut empêcher la surexposition de l’étoile, ce qui fausserait le résultat au début et à la fin de l’éclipse en raison de la limitation du signal. Cependant, vous ne devriez pas non plus pousser la défocalisation trop loin, car cela aggraverait le contraste avec le fond du ciel.

Le prisme RGB devant un vieil objectif Canon FD 1:1.4 / 50mm sur un Sony a7S. Attention : La pupille d’entrée effective par canal de couleur est réduite au diamètre du panneau de carton. Les 3 trous ronds ne doivent pas dépasser le diamètre libre de la lentille frontale. L’objectif devra être complétement ouvert.

Comme déjà mentionné précédemment, le diamètre de Bételgeuse dépend beaucoup de la longueur d’onde. Il devrait donc être particulièrement intéressant de créer des courbes de lumière séparées dans différentes gammes de couleurs ou de spectres. Cela pourrait être fait, par exemple, dans la gamme spectrale rouge, verte et bleue de la lumière visuelle ainsi que dans le proche infrarouge. De plus, une observation dans le proche ultraviolet serait très intéressante. Dans ce qui suit, diverses méthodes sont exposées.

Observations en lumière visuelle en rouge, vert et bleu

Dans un appareil photo numérique disponible dans le commerce avec un capteur CMOS, la reconnaissance des couleurs se fait via un masque de Bayer, un filtre mosaïque d’éléments filtrants rouges, verts et bleus devant les pixels du capteur. Cependant, aucun signal rouge, vert et bleu n’est enregistré, mais des signaux matricés pour la luminosité et deux différences de couleur. Étant donné que chacun de ces signaux est individuellement limité dans son amplitude, la surexposition d’objets colorés entraîne très rapidement une perte complète d’informations de couleur. Par conséquent, l’évaluation d’une simple image couleur séparée en rouge, vert et bleu semble sans espoir.

Pour les courbes de lumière RGB, il est plus conseillé de filtrer la caméra en rouge, vert ou bleu. Afin de n’avoir à utiliser qu’une seule caméra, vous pouvez travailler avec un filtre à effet de prisme à 3 facettes très économique. Cela signifie que l’étoile est imagée trois fois. Pour le filtrage des couleurs, un panneau de carton noir avec trois trous ronds est fixé derrière le prisme, chacun étant recollé avec un film filtrant dans les trois couleurs rouge, vert, bleu (Fig. 3).

Les filtres colorés n’ont pas besoin d’être particulièrement de haute qualité pour une image floue par défocalisation. La combinaison des films n° 106 « Primary Red », n° 139 « Primary Green » et n° 119 « Dark Blue » de Lee a été testée avec succès. La plupart des prismes à effet à 3 facettes calculés pour des distances focales jusqu’à 85 mm maximum en plein format. Vous pouvez donc très bien utiliser un objectif de 50 mm. Il doit être assez lumineux, car l’ouverture effective est donnée à travers les trous de l’ouverture en carton. Ceux-ci ne doivent pas dépasser le diamètre libre de la lentille frontale (Fig. 4). Avec un tel prisme RVB, l’étoile est imagée trois fois, en rouge, en vert et en bleu (Fig. 5). Les trois images obtenues pourront être mesurées photométriquement séparément.

Image test de Bételgeuse avec le prisme RGB sur un Sony a7S avec Canon FD f/1.4/50 mm, ISO 3200, balance des blancs 3 600 K, exposition 0.5 s à f/1.4, à grossissement 10 X. Pour un film à 25 images par sec, la valeur ISO devrait être portée à 40 000, toutes choses identiques par ailleurs.

Observations dans le proche infrarouge

Étant donné que Bételgeuse est la plus étendue dans l’infrarouge, il faut s’attendre à ce que l’éclipse dans l’infrarouge suive un cours temporel différent et qu’elle soit plus petite à son maximum qu’en lumière visuelle. Il est possible qu’il n’y ait qu’une éclipse annulaire ici. Le proche infrarouge de 700 à 1 100 nm est toujours facilement accessible pour les caméras équipées d’un filtre passe-infrarouge au lieu d’un filtre de coupe IR [9]. Les caméras vidéo monochromes ou astro ainsi que les caméras photo dans lesquelles le filtre de coupe UV-IR a été retiré pourraient convenir. Le maximum de rayonnement d’une géante rouge se trouve dans les grandes longueurs d’onde, de sorte que même lors de l’utilisation d’un filtre de passage IR de 700 à 800 nm, il y a encore suffisamment de rayonnement. Par conséquent, l’objectif n’a pas besoin d’être particulièrement très lumineux. Cependant, pour une évaluation des courbes de lumière, la caméra NIR doit être synchronisée avec la caméra visuelle aussi précisément que possible.

Observations dans le proche ultraviolet

Une observation dans le (proche) ultraviolet semble particulièrement attrayante et productive, car une éclipse particulièrement importante est à prévoir ici. Dans le même temps, cependant, l’observation dans l’UV est également particulièrement difficile d’un point de vue technique. En tant que géante rouge, Bételgeuse brille beaucoup plus faiblement dans les longueurs d’ondes courtes que dans les plus grandes. Les appareils photo « défiltrés » ne peuvent pas convenir. Il est plutôt recommandé d’utiliser des caméras vidéo monochromes ou astro avec une sensibilité suffisante à 360 à 400 nm. Des exigences particulières sont également imposées à l’optique : d’une part, une pupille d’entrée suffisamment grande est nécessaire, d’autre part, les objectifs photo haute vitesse sont hors de question car leurs lentilles fortement réfractives sont presque imperméables aux UV. Un test empirique l’a clairement confirmé. D’autre part, la courte distance focale, l’optique miroir rapide et les systèmes catadioptriques avec peu d’éléments en verre conviennent. Cependant, en raison de la distance focale plus longue par rapport aux objectifs photo, une monture équatoriale est nécessaire, ce qui augmenterait considérablement les bagages.

Résultats

Les auteurs veulent s’attaquer au programme d’observation complet décrit ici, et ainsi réaliser des enregistrements vidéo dans les gammes spectrales UV-A (360 à 400 nm), bleu (400 à 500 nm), vert (500 à 600 nm), rouge (600 à 700 nm) et proche infrarouge (700 à 1 100 nm). En raison de la trajectoire encore incertaine de l’éclipse et des conditions météorologiques tout aussi incertaines en décembre, des observations par de nombreuses équipes sont souhaitables. Enfin, on peut s’attendre à ce qu’une comparaison et une analyse de plusieurs observations réussies fourniraient également de nouvelles connaissances sur la petite planète de nouvelles perspectives sur la petite planète, qui a jusqu’à présent été peu explorée.

Littérature et références Internet au 07.06.2023 :

[1]   Royal Astronomical Society of New Zealand, 2010: « Occultation of UCAC2 33688276 by 319 Leona, 2010 October 22 », https://www.occultations.org.nz/planet/2010/results/20101022_319_Leona_Rep.htm

[2]   R. Behrend, « Asteroids and comets rotation curves, CdR, Regular variable stars light curves, CdL », http://obswww.unige.ch/~behrend/page1cou.html#000319

[3]   319 Leona: Wikipedia, https://en.wikipedia.org/wiki/319_Leona

[4]   F. Pilcher et al., 2017: “(319) Leona and 341 California – Two Very Slow Rotating Asteroids”, Minor Planet Bulletin 44.2, April-June 2017, https://articles.adsabs.harvard.edu/full/2017MPBu…44…87P

[5]   D. Denissenko: “Unique Occultations”, http://hea.iki.rssi.ru/~denis/special.html

[6]   A. Marciniak et al., 2022: “Focus on slow rotators – first results from stellar occultations campaign on long-period asteroids”, 16th Europlanet Science Congress, 18-23 September 2022, https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/2022EPSC…16..224M/abstract

[7]   S. Preston, 2023: „Future Global Asteroid Events“, http://www.poyntsource.com/New/Future.htm

[8]   IOTA/ES: « Call for Observations », https://call4obs.iota-es.de/

[9]   P.C. Slansky, 2021: « Die Mondfinsternis vom 21.1.2019, analysiert mithilfe einer Vierkanal-Kamera-Fotometrie im visuellen Licht und Infrarot; Teil 1“ » VdS-Journal für Astronomie 75 (4/2020), S. 30-33; « Teil 2 »: VdS-Journal für Astronomie 77 (2/2021), S. 93-96

À propos des auteurs :

Peter Slansky est docteur-ingénieur, professeur à l’école supérieure d’audiovisuel de Munich.

Bernd Gährken, astronome amateur averti, rédacteur en astronomie, consultant en astronomie pour « astroshop.de ».

Tous deux sont des membres très actifs de la VdS et membres de leur commission des occultations.