Ganymède est la plus grande des lunes galiléennes de Jupiter avec Io, Europe et Callisto. Elle est même plus grande que la planète Mercure et à peine plus petite que Mars. Ganymède est un monde constitué pour moitié d’eau, et pour l’autre moitié de silicates et de matière carbonée. Elle abrite sous sa croûte glacée le plus grand océan d’eau liquide du système solaire. Ganymède est un archétype des mondes glacés tels qu’on en trouve autour des planètes géantes de notre système solaire, mais aussi sans doute autour d’autres étoiles.
Sa surface présente des régions claires et jeunes, témoignant d’une importante activité passée, lors de laquelle des matériaux provenant de l’océan interne ont pu être remontés en surface. D’autres régions plus sombres et anciennes, comportent peut-être des matériaux datant de son accrétion et/ou des dépôts de poussières cométaires ou astéroïdales. Pour tenter de déchiffrer l’histoire de la surface de Ganymède, il faut donc identifier les constituants de ces différentes régions et comprendre comment ils se transforment sous l’effet des processus affectant sa surface.
Contacts :
Olivier Poch, CNRS/IPAG, olivier.poch@univ-grenoble-alpes.fr
Marc Delcroix, SAF, delcroix.marc@free.fr
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Du givre matinal vu à la surface de Ganymède par le JWST ?
En août 2022, l’instrument NIRSpec (Near Infrared spectrograph, construit pour l’ESA par le consortium Astrium) du télescope spatial James Webb, a observé la lumière du Soleil réfléchie par la surface de Ganymède dans les longueurs d’onde de l’infrarouge. L’une des images obtenues par le JWST/NIRSpec montre que sur la face arrière de Ganymède, les terrains sombres situés au bord du levant (c’est-à-dire là où le Soleil vient de se lever) sont recouverts de glace ayant une réflectivité particulière dans l’infrarouge : l’intensité des pics de Fresnel y est plus élevée que sur les autres terrains de la face arrière. Il pourrait s’agir d’un givre matinal, se sublimant au cours de la journée (voir Communiqué de presse).
Nos anciens avaient-ils déjà vu ce givre matinal ?
La disparition de givre matinal sur Ganymède avait déjà été proposée par les astronomes Henri Camichel, Marcel Gentili et Bernard Lyot suite à des observations depuis le Pic du Midi entre 1941 et 1945. Ces nouvelles données dans l’infrarouge semblent confirmer cette hypothèse. Le givre se formerait durant la nuit, non par condensation de l’atmosphère car elle est trop fine d’après nos connaissances actuelles, mais plutôt par condensation de la vapeur d’eau provenant du sous-sol, comme cela a été observé sur le noyau de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko par la mission Rosetta.
Camichel et al. rapportent « une vive blancheur sur le bord du levant » sur plusieurs observations de longitudes consécutives en 1941. Lien vers la publication (1941).
Puis Lyot confirme cela suite à de nouvelles observations, publiées en 1953, après sa mort. Lien vers la publication (1953).
Appel à observations
Grâce à une campagne d’observation ciblée de la face arrière de Ganymède, nous espérons confirmer la présence de givre matinal sur Ganymède, et ainsi faire sortir de l’oubli cette connaissance qu’avait nos anciens, et qui sera très utile pour la préparation et l’interprétation des observations de la mission JUICE.
Malgré les faibles températures qui y règnent, entre -180 et -110°C, et l’absence d’une atmosphère épaisse, les observations du télescope James Webb indiquent que la surface de Ganymède connaît peut-être des variations diurnes. Si la présence de givre matinal est confirmée, cela pourrait indiquer qu’il y a beaucoup plus d’eau sous forme gazeuse autour de Ganymède que ce qui a été précédemment estimé, ou bien que la surface de Ganymède est sujette à des phénomènes de sublimation et de recondensation d’eau, similaires à ceux observés sur la surface de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko (voir l’article de De Sanctis et al. 2015).
Ces informations contribueront à optimiser les opérations de la sonde spatiale JUICE de l’agence spatiale européenne (ESA), comportant plusieurs instruments sous la responsabilité du CNES. Lancée le 14 avril 2023, JUICE atteindra Jupiter en juillet 2031 et se placera en orbite autour de Ganymède en 2034 pour l’étudier de manière plus approfondie.
Protocole d’observation
Les amateurs produisent régulièrement des images de Ganymède montrant des détails de surface (par exemple Galileo Regio). Il s’agit ici d’observer Ganymède de préférence dans le visible (filtre luminance). Vu le diamètre apparent du satellite de moins de 2 secondes d’arc, un diamètre minimum de 250mm est requis pour avoir suffisamment de résolution. Il faudra imager Ganymède avec la même résolution que Jupiter seul. Une caméra couleur est utilisable, une monochrome est conseillée si on veut faire des images dans des différentes longueurs d’onde (R, V et B) ce qui permettrait de faire de la photométrie.
Le givre a été détecté par le JWST 1h30 (méridien central 270°) avant l’élongation maximale Est de Ganymède. Il vaut mieux observer Ganymède entre +/- un jour et demi autour de l’élongation maximale (méridien central entre 200 et 350° ; la période de révolution de Ganymède est de plus de 7 jours). Ganymède sera alors assez loin de Jupiter (jusqu’à 15 rayons joviens à l’élongation), il faudra donc pointer Jupiter puis déplacer le champ vers l’est dans la direction de l’équateur de la planète jusqu’à trouver le satellite à la bonne position.
Pour prévoir vos observations, vous pouvez consulter les éphémérides suivants (jusque la fon de l’apparition de Jupiter en 2024-2025. La première colonne vous donne la date en TU, la seconde la visibilité depuis la France (‘*’ = jour, [C, N, A] = crépuscule, ‘ ‘= nuit), l’avant dernière colonne « ObsSub-LON » la longitude du méridien central, privilégiez donc quand elle est entre 200 et 350° pour bien observer la face arrière de Ganymède.